Black Lives Matter : formes politiques et artistiques de l’antiracisme aux États-Unis et au Royaume-Uni

Black Lives Matter : formes politiques et artistiques de l’antiracisme aux États-Unis et au Royaume-Uni
Colloque international, Université Paul-Valéry Montpellier 3, 15 - 17  mai 2024 

Argumentaire

Prenant pour point de départ la séquence ouverte au début des années 2010 par l’émergence de mouvements antiracistes animés par le slogan « Black Lives Matter », ce colloque souhaite examiner les mobilisations antiracistes dans leurs continuités historiques, leurs circulations géographiques, leurs échos politiques, leurs impacts sur les trajectoires individuelles et collectives, ainsi que les réponses qu’elles ont suscitées, particulièrement dans le domaine artistique.

Nous appelons des communications dans un périmètre disciplinaire large, c’est-à-dire de manière non-exhaustive : littérature, civilisation, linguistique, études musicales et visuelles, études africaines-américaines, esthétique, histoire, sociologie, science politique, géographie, philosophie, études culturelles, anthropologie. L’aire de référence de ce colloque est constituée par les États-Unis et le Royaume-Uni. Des communications s’intéressant à des comparaisons et des circulations vers d’autres aires géographiques sont cependant bienvenues.

Continuités historiques, circulations géographiques

Le mouvement « Black Lives Matter » s’inscrit dans une histoire longue des mouvements radicaux noirs américains et ce sont précisément ces modalités qu’il s’agit de préciser : dans quelle(s) temporalités s’inscrit-il ? Est-il utile de penser en termes de vagues antiracistes, sur le modèle – contesté – des vagues féministes ? Ou même en termes de générations, avec pour point de repère central la génération du mouvement pour les droits civiques ? Pour ce qui est du Royaume-Uni, quelle articulation avec la double histoire des luttes décoloniales et des luttes de libération noires?

La question des inscriptions historiques se double de celle des inscriptions locales, nationales ou continentales des mouvements « Black Lives Matter », dont les termes sont à préciser : avons-nous affaire à des traductions, des déclinaisons, des appropriations, des hybridations ? Quelles ont été les circulations géographiques des slogans du mouvement, de ses modalités d’action et même de ses militant-e-s? 

Espaces, lieux de mémoire, institutions

Les mobilisations antiracistes de la séquence « Black Lives Matter » ont politisé l’espace, ou a minima révélé les rapports de pouvoir qui le structurent. Elles l’ont fait à la fois par des occupations temporaires de l’espace public sous la forme de rassemblements et de manifestations, ainsi que par des occupations plus durables de l’espace public comme dans la capitale fédérale états-unienne Washington, DC, qui toutes toutes remettent en cause le contrôle ordinaire de cet espace public par des forces de police majoritairement blanches qui constituent une menace à l’encontre de l’intégrité physique et des libertés des personnes noires.

Le renouveau des mouvements « Black Lives Matter » au printemps 2020 a aussi été marqué par des actions menées contre l’héritage monumental de l’esclavage, de la ségrégation et du colonialisme, tout particulièrement particulier dans le Sud des Etats-Unis ainsi que dans les grandes villes du Royaume-Uni. Cette politique des statues révèle que l’espace public est aussi un lieu où co-existent, malaisément et de manière contradictoire, des lieux de mémoire raciste et antiraciste et où cohabitent donc dans les faits des mémoires opposées. La force symbolique de l’occupation de l’espace public et de la remise en cause de la statuaire raciste en a aussi fait des lieux privilégiés de (re)définition des relations entre manifestant-e-s antiracistes et autorités publiques, lesquelles ont déployé un éventail de réponses allant de la répression à la retenue et de l’indifférence à des formes de cooptation. 

Faire mouvement

Les mouvements de contestation écologistes ou féministes ainsi que des épisodes protestataires comme Occupy et les Printemps arabes ont-ils informé la genèse et le développement des mouvements « Black Lives Matter », et si oui comment? Réciproquement, quelle est la contribution des mouvements « Black Lives Matter » aux reconfigurations contemporaines de la contestation? 

Les militantes qui ont promu le slogan puis le mouvement « Black Lives Matter » ont d’ailleurs insisté sur son caractère nécessairement intersectionnel. Qu’en a-t-il été? Les mouvements sont-ils parvenus à articuler politiquement les oppressions multiples, et si oui comment? Les logiques de convergence/divergence se posent également entre les mouvements « Black Lives Matter » et les groupes et organisations politiques préexistantes, en particulier celles portant spécifiquement la cause de l’antiracisme. 

Les divergences d’objectif et de répertoire d’action ont pu générer des tensions : les mouvements Black Lives Matter doivent-ils viser le renversement de l’ordre social raciste, ou plutôt des formes de réconciliation ou de réparation ? Quelles conceptions de la justice co-existent, plus ou moins aisément, au sein des mobilisations antiracistes ? Faut-il accréditer l’hypothèse d’une division entre des primo-manifestant-e-s dont l’action reposerait sur un fondement expérientiel et pour qui les réseaux sociaux numériques constitueraient une arène privilégiée, par rapport des militant-e-s plus expérimenté-e-s conduits par des convictions idéologiques et davantage porté-e-s sur le rassemblement public ? Quelles sont d’ailleurs les trajectoires des militant-e-s, manifestant-e-s ou simples sympathisant-e-s qui ont participé aux mobilisations antiracistes de ces dernières années ? Quels effets transformateurs la participation à ces luttes a-t-elle eu sur ces personnes, y compris sous la forme négative du cyberharcèlement et de sorties des espaces de lutte ? Les « community organizers » ont joué un rôle spécifique dans le développement des mobilisations antiracistes et si oui lequel ? Si oui toujours, peut-on trouver des intermédiaires comparables dans les autres aires géographiques ?

Corps, vécu, expérience

Le mot d’ordre « Black Lives Matter » met en évidence l’impact du racisme et du suprémacisme blanc sur les corps et les vies noires. Ce slogan puissamment incarné gagne à être examiné à plusieurs titres, depuis les modalités électroniques de sa diffusion (faut-il parler de « Black Lives Matter » ou de « #BlackLivesMatter ») jusqu’à ses déclinaisons au sein des mouvements antiracistes, voire à ses négations et parodies violentes par les tenant-e-s du suprémacisme blanc.

Ce slogan s’inscrit aussi dans une tradition littéraire noire marquée par l’héritage d’une littérature abolitionniste dépeignant les souffrances des esclaves et par celui d’autrices féministes noires soulignant la centralité du vécu expérientiel, la nécessité de parler en son nom propre et l’éclairage cru apporté par un point de vue noir minoritaire sur la société blanche majoritaire. Le déploiement des mouvements « Black Lives Matter » dans la décennie qui suit la diffusion du slogan #BlackLivesMatter en 2013 est d’ailleurs concomitante d’une activité d’écriture et d’édition intense d’auteurs et autrices noires interrogeant la condition noire et les configurations contemporaines du racisme, à l’instar des ouvrages à succès de Ta-Nehisi Coates (Between the World and Me) et de Reni Eddo-Lodge (Why I’m No Longer Talking to White People about Race) qui articulent logique de témoignage et logique d’intervention.

Antiracisme et production artistique

Pour finir, les mobilisations antiracistes récentes ont constitué une inspiration puissante pour les productions artistiques qui interrogent l’héritage de la traite, de l’esclavage, du colonialisme et de la ségrégation depuis les arts plastiques, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique et le street art. 

Le mouvement Black Lives Matter et les violences qui en sont à l’origine ont suscité des développements artistiques riches et variés qui ont en retour apporté vigueur et cohésion au mouvement, à l’instar de « Alright » de Kendrick Lamar, morceau qui thématise les violences policières racistes et dont le refrain « We gon’ be alright » est devenu l’un des hymnes des manifestations antiracistes du printemps 2020. Autres exemples, la poétesse Claudia Rankine ou l’écrivaine Jesmyn Ward créent des œuvres en miroir du mouvement, alors que les graffeurs sur les murs des villes honorent dans leurs peintures murales les morts sous les coups des policiers.


Modalités de soumission

Les propositions de communication, en anglais, doivent être adressées à montpellierblmconference@gmail.com pour le 1er juin 2023. Elles doivent comprendre :
un résumé de 500 mots maximum assorti d’une bibliographie
une présentation rapide de l’auteur/autrice

Le Comité scientifique examinera l’ensemble des résumés reçus à la date limite indiquée. Les résumés feront l’objet d’une double relecture à l’aveugle. Un retour sera fait aux auteurs et autrices concernant l’acceptation ou non de leur proposition de communication.


Comité scientifique
Hélène Charlery, maîtresse de conférences, Université Toulouse Jean-Jaurès, CAS
Claude Chastagner, professeur des universités en civilisation américaine, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Elodie Edwards-Grossi, maîtresse de conférences en études anglophones et sociologie, Université Paris Dauphine, IRISSO
Olivier Estèves, professeur des universités en civilisation britannique, Université de Lille, CERAPS
Carline Encarnacion, maîtresse de conférences en littérature américaine, Université Toulouse Jean-Jaurès, CAS
Vincent Latour, professeur des universités en civilisation britannique, Université Toulouse Jean-Jaurès, CAS
Hélène Le Dantec-Lowry, professeure des universités en études américaines, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, CREW
Monica Michlin, professeure des universités en études américaines contemporaines, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Claudine Raynaud, professeure des universités en études africaines-américaines, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Jean-Paul Rocchi, professeur des universités en littératures et cultures américaines, Université Gustave Eiffel, CFR / LISAA
Michaël Roy, maître de conférences en études nord-américaines, Université Paris Nanterre, CREA


Comité d’organisation
Lawrence Aje, maître de conférence en civilisation américaine, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Claude Chastagner, professeur des universités émérite en civilisation américaine, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Anne Crémieux, professeure des universités en civilisation américaine, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Marianne Drugeon, maîtresse de conférences en littérature britannique, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Manon Lefebvre, ATER et doctorante en études américaines, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Marc Lenormand, maître de conférences en civilisation britannique, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Hervé Mayer, maître de conférences en études américaines, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Monica Michlin, professeure des universités en études américaines contemporaines, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Niaz Pernon, professeure certifiée d’anglais, Ecole nationale supérieure de chimie de Montpellier et docteure en civilisation britannique, EMMA
Claudine Raynaud, professeure des universités émérite en études africaines-américaines, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA
Raphaël Ricaud, maître de conférences en civilisation américaine, Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA

 

Dernière mise à jour : 04/03/2024